Comme une mémoire, Maison d’Izieu, 2001

Dominique Gauthey – 31 mars 2013

Invité en résidence d’artiste à la Maison d’Izieu, en 2000, je ne savais rien de ce lieu. Ou si peu. Guère plus en tout cas que les quelques souvenirs télévisuels que m’avait laissé le procès de Klaus Barbie, en 1987, qui avait par la suite, joué un rôle important dans le processus d’inscription de la Maison sur la liste des monuments historiques (1991).

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Izieu, 06 avril 2001

Cette proposition m’avait été faite après que j’ai commencé à m’intéresser aux notions de monument et de lieu de mémoire, et plus précisément à la mémoire urbaine alors que je photographiais la démolition du Palais de la Foire, à Lyon. C’est donc dans cet état d’esprit que j’ai regardé, et photographié, la Maison d’Izieu et son environnement. Comme un lieu transformé par l’histoire autant que par l’opération de muséification.

Durant à peu près six mois j’ai effectué plusieurs séjours à Izieu.  M’approchant au plus près de la maison, comme en son cœur, pour parcourir les archives photographiques documentant la vie quotidienne des enfants placés là durant l’Occupation par l’OSE (Œuvre de Secours aux Enfants). Mais aussi en m’en éloignant sans cesse pour traverser l’immense paysage dauphinois qu’elle surplombe. Et que l’on peut contempler depuis cette longue terrasse qui, dans un geste architectural de génie, prolonge le bâti de cette ancienne ferme comme pour mieux y projeter ce moment d’Histoire.

Le classement de la Maison ne se limitant pas aux seules constructions, un périmètre sauvegardé a été défini tout autour. A l’intérieur de ce cercle, j’ai rencontré ce couple de vieux agriculteurs, habitants d’Izieu depuis toujours, encore jeunes au moment de la rafle, et qui me racontaient comment ils avaient usé leurs vies sur cette terre rocailleuse. Et puis aussi, à peine quelques mètres de l’autre coté de cette limite, cet autre couple d’exploitants agricoles, bien plus jeune, récemment installé au village pour développer un projet de culture hors sol et qui, s’affranchissant de la soumission à la terre, voyaient celui-ci contraint par cet invisible trait d’encre protégeant le paysage au nom de l’Histoire.

Au bout de mes pérégrinations, dressant là une carte subjective de ce territoire, j’exposais, dans un jeu de relations et d’associations, les portraits réalisés avec ces quelques personnes ; des vues du paysage comme des photographies des monuments en souvenir de la rafle du 6 avril 1944 ou des à-côtés des cérémonies à la mémoire des enfants déportés. Croisant les époques, tout autant, dans un jeu de « vis-à-vies » qui trouvait son point d’articulation autour d’une photographie de la terrasse. Là même où furent pris par Paulette Pallarès certains clichés conservés dans les archives photographiques de la Maison. Dont cette image particulière, témoignant de l’idylle de la jeune femme avec Théo Reis, déporté par le convoi n° 73 du 15 mai 1944, et mort au camp de Reval, en Estonie.


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